Et voilà, le message est envoyé, Dorian n'a plus le choix, il va devoir se lancer et le demander à sa soeur. Cela fait quelques semaines qu'il y songe, mais il n'ose pas, il ne veut pas s'imposer et il craint un peu la réaction du reste de la famille aussi. Lui-même se sent coupable, c'est un peu comme s'il les abandonnait. Le jeune homme est très famille, et en étant l'ainé des garçons, il s'est fait un devoir de veiller sur les autres et d'aider ses parents, c'est d'ailleurs pour cela qu'il a pris ce job en plus de ses études, avec sa soeur Millicent, afin d'aider aussi financièrement à l'entretien de tout ce petit monde. Mais autant il les adore, autant il apprécie le temps passé en leur compagnie, autant, il devient adulte et à vingt-cinq ans, l'étudiant commence à avoir des envies d'indépendance. Famille plus que modeste, et les aidant déjà, il ne peut se permettre de se prendre son propre appartement, alors il a pensé à sa cadette Millicent, qui elle, vit déjà en appartement, en colocation et il s'est dit que peut-être, ça pourrait être sympa et bénéfique pour tous les deux s'il lui serait possible de s'installer avec elle et son coloc dont il a beaucoup entendu parler, mais qu'il n'a encore jamais rencontré. Ce qui a fini de le convaincre de se lancer, c'est ce doute de plus en plus fort que celle qu'il considère presque comme sa jumelle à un problème. Il voit bien qu'elle ne mange presque plus rien, qu'elle esquive les repas quand elle le peu et Dorian s'inquiète, sans savoir quoi faire. Vivre avec elle, lui permettrait de veiller un peu plus encore sur elle et peut-être arrivera-t-il à l'aider.
C'est avec une pointe d'appréhension qu'il se couche, se faisant intérieurement le speech qu'il dira à Millie le lendemain. Et c'est avec encore plus d'appréhension qu'il se lève au matin, après s'être tourné et retourné toute la nuit dans son lit. Dorian baille et s'étire avant de se lever. Première chose, rituel du matin, filer à la douche avant que toute la famille ne soit debout et que ce soit la cohue. Le jeune homme met toujours son réveil au moins trente minutes plus tôt que nécessaire, rien que pour être tranquille à la salle de bain, avoir le temps de se réveiller correctement, avant d'affronter l'effervescence qu'amène inévitablement la vie de famille nombreuse. Dès qu'il a fini de se préparer, il file rejoindre madame King à la cuisine pour l'aider à préparer le petit déjeuner.
« Bonjour maman. » Dorian dépose un baiser sur la tempe de sa mère et met la table comme tous les matins.
« Qu'est-ce qu'il y a Dorian ? Tu sembles soucieux. » L'étudiant se redresse et passe sa main dans son cou, esquivant le regard de sa mère.
« Je... Je compte demander à Millie si je peux aller vivre avec elle et son colocataire. » Il appréhende vraiment sa réaction, car il ne veut pas qu'elle croie qu'il l'abandonne, alors toujours sans oser vraiment la regarder, il enchaine assez rapidement pour se justifier.
« Je serais toujours là, je passerais tous les jours, je continuerais à vous aider, exactement comme maintenant, mais j'ai vingt-cinq ans et j'ai besoin de sortir du cocon familial. Tu ne m’en veux pas ? » Les bras de sa mère l'attirant contre elle, Dorian se sent soulagé de voir qu'elle comprend, même s'il sait que derrière l'absence de mot, existe une pointe de tristesse.
Le sujet est vite mis de côté avec l'arrivée de la fratrie en trombe, et surtout affamée, dans la cuisine. Dorian avale rapidement sa part, fini d'un trait son bol de lait et retourne à sa chambre chercher ses affaires. Avant de partir, il passe embrasser sa mère et les deux petits derniers de la famille, salut rapidement tout le monde et quitte la maison pour se rendre à son travail, chez Lush. Puisque pas les moyens de se payer, ni le permis, ni une voiture, Dorian se déplace majoritairement en vélo. Parti en avance, il roule tranquillement, ses écouteurs dans les oreilles, il fredonne ses musiques préférées tout en avançant, histoire d'occuper son esprit et de ne pas trop réfléchir à la conversion qui approche à grands pas. Comme toujours, il pose son vélo et le cadenasse dans l'arrière-cour et fait le tour pour venir attendre Millicent devant l'entrée de la boutique.
« Mermaid ! J'ai cru que t'arriverais pas à l'heure. » Un sourire éclaire le visage de Dorian en apercevant la silhouette de sa cadette arriver au loin et avance vers elle, n'attendant pas qu'elle arrive à sa hauteur. Directement, il la prend dans ses bras, la serrant fort contre lui. Il est comme ça, c'est plus fort que lui, Dorian est un jeune homme très tactile et puis, même s'il la voit quasiment tous les jours, quand ils ne sont pas ensemble, elle lui manque. Millie est le membre de la famille dont il est le plus proche et il ne peut pas rester plus de vingt-quatre heures sans avoir de nouvelles d'elle.
« Ça va Mils ? » Il a bien remarqué qu'elle semble avoir encore maigri ces derniers temps et sa question est un peu pour ça, sans pour autant clairement lui notifier qu'il a remarqué. En grand frère protecteur qu'il est, le jeune homme aimerait pouvoir faire quelque chose, mais ne sachant pas comment s’y prendre, il s'abstient. C'est un peu paradoxal pour une personne ayant psychologie dans son cursus, mais quand sa touche un proche, c'est toujours bien moins évident de rester objectif face à la situation.
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